Si, se référant à notre symbolisme de base, on demande quelle est la
forme prise par le flot de la marée, il faut répondre qu'il prend
surtout la forme d'un livre, le Coran. Les soufis parlent de « chercher à
se noyer » (istighrâq) dans les versets du Coran qui, selon l'une des
doctrines les plus fondamentales de l'Islam, sont la Parole incréée de
Dieu. Ce qu'ils cherchent, c'est, pour employer un autre terme soufique,
l'extinction (fanâ') du crée dans l’Incréé, du temporel dans l’Éternel,
du fini dans l'Infini ; et, pour certains soufis, la récitation du
Coran a constitué, durant toute leur vie, le principal moyen de
concentration sur Dieu, ce qui est l'essence même de tout chemin
spirituel. Il arrive que des soufis le récitent continuellement – par
exemple, en Inde et en Afrique occidentale –, même s'ils savent très peu
d'arabe ; et si l'on objecte à cela qu'une telle récitation ne saurait
avoir sur l'âme qu'un effet fragmentaire étant donné que l'intelligence
des récitants ne peut y participer, on répondra que leur intelligence
est pénétrée par la conscience de participer à la Parole divine. Ils
savent, en outre, que le Coran est un flux et un reflux – qu'il flue de
Dieu vers eux et que ses versets sont des signes miraculeux (âyât) qui
les reconduiront vers Dieu, et c'est précisément pour cela qu'ils le
lisent.
~ Martin Lings, Qu'est-ce que le soufisme ?
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