L’homme de la chute est à la fois comprimé et écartelé par deux pseudo-absolus : le « moi » pesant et la « chose » dissipante, le sujet et l’objet, l’ego et le monde. Dès le réveil, le matin, l’homme se souvient qui il est et tout de suite, il pense à telle ou telle chose ; entre l’ego et l’objet, il y a un lien, qui est le plus communément l’action, d’où un ternaire qui tient en cette phrase : « Je fais ceci » ou, ce qui revient au même : « Je veux ceci ». L’ego, l’acte et la chose sont pratiquement trois idoles, trois écrans qui cachent l’Absolu ; le sage est celui qui met l’Absolu à la place de ces trois termes : c’est Dieu en lui qui est la Personnalité transcendante et réelle, donc le Principe du « moi »' ; l’acte est l’Affirmamation de Dieu, au sens le plus large, et l’objet est encore Dieu2 ; c’est ce que réalise, de la façon la plus directe possible, l’oraison - ou la concentration - quintessentielle, qui englobe, virtuellement ou effectivement, toute la vie et le monde entier ; en un sens plus extérieur et plus général, tout homme doit voir les trois éléments « sujet », « acte » et « objet » en Dieu dans la mesure où il en est capable de par ses dons et de par la grâce.
~ Frithjof Schuon - Regards sur les mondes anciens