«
[...] l’art de donner est le principal arcane du Grand Œuvre. Le secret
de cet art consiste dans le désintéressement absolu, dans la pureté
parfaite de l’âme de l’acte, c’est-à-dire de l’intention, dans
l’absence complète de tout espoir de retour, d’un payement quelconque,
fût-il dans l’autre monde. Il faut que votre acte ne ressemble en rien
à un échange de bons procédés. Il est, par
conséquent, plus parfait, plus pur de donner à ce qui paraît
inférieur ou faible qu’à l’égal ou au plus fort. Au point de vue
ésotérique, il est mieux de donner à une espèce qui est loin de la
vôtre qu’à votre semblable. C’est pourquoi l’attraction de l’antipode,
le goût de l’exotique, la zoophilie et l’étude amoureuse de la nature
sont autant d’indices de dispositions ésotériques. [...] Il est
actuellement impossible de faire du bien à l’humanité sans aucune
arrière-pensée utilitaire. La charité vis-à-vis du semblable est un
devoir, un acte de précaution ou de haute prévoyance. Il peut
difficilement contenir quelque chose fait « uniquement pour Dieu ». Le
sentimentalisme laisse toujours une tache égoïste sur tout ce qu’on
fait en son nom, ne serait-ce qu’en se parant de beaux motifs pour des
actes fort simples. [...] Le bien que l’on fait à un animal nous
rapproche davantage de Dieu, car l’égoïsme y trouve moins son compte,
au moins en des cas ordinaires. Le déplacement mental est plus grand,
la conquête dans l’âme universelle est plus lointaine. Vous vous
attachez aux êtres humains, ceux-là s’attachent à vous pour toutes
sortes de raisons pratiques. L’attachement entre un animal et un être
humain est d’ordre supérieur. »
~ Ivan Aguéli - L'universalité en l'Islam